Sombre dimanche chez les Mandy

Alice Zeniter
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Imre ne rime pas forcément avec émir.

Certes, en Hongrie, il y eut Imre Kertesz, génie littéraire, et avant lui Imre Nagy, figure de l’insurrection populaire, à ce titre parfois considéré comme un héros national.

Mais il faut aussi compter avec Imre Mandy, premier du nom et d’une longue lignée d’Imre Mandy (le prénom se transmettant de père en fils à l’aîné des garçons). L’aïeul a été le bâtisseur d’une petite maison, à l’origine isolée au milieu d’une clairière en périphérie du centre-ville de Budapest. Puis, au fil des générations, ce havre de paix s’est trouvé enclavé au « beau » milieu des voies de chemin de fer de la gare de Nyugati. C’est là qu’ont ensuite grandi Imre Mandy (le grand-père), Pàl (le père, seule exception à la règle des prénoms…) et Imre Mandy (fils de Pal et petit-fils d’Imre), héros du roman de la jeune auteure française, Alice Zeniter.

Extrait 1 :
Pal et Agi ne voulaient pas entrer dans le monde des parlants. Ils préféraient leur silence.
Très rapidement, cela devint une habitude. Imre suivait les rails dans la nuit, à l’heure où plus aucun train ne passait, où il pouvait marcher sans peur. Et, arrivé près de la maison, il voyait les points rouges de deux cigarettes dans le jardin triangulaire.
Agi et Pal fumaient un paquet entier pendant la nuit, avant de trouver la force de regagner leur chambre. Ils regardaient devant eux dans le noir, sans jamais se confier ce qu’ils y voyaient.

 

Un héros élevé en plein joug communiste et qui voit arriver à l’aube de l’adolescence un champ de possibles nouveaux, une promesse d’espoir, de liberté et de lendemains qui chantent et fleurissent. Une promesse de voyage et d’inconnu(e)s.

Hélas, ces promesses et ces ardeurs se retrouvent rapidement rattrapées par la réalité de son quotidien et de son entourage. Tout espoir se mue alors en illusion, puis en désillusion. L’immobilisme et le fatalisme règnent dans le jardin triangulaire des Mandy. Et rien ni personne ne semble pouvoir contrecarrer les plans d’un implacable destin ni la fatalité dans laquelle semblent se complaire les membres de cette famille.

Extrait 2 :
L’étroitesse de la maison au bord des rails rendait l’adolescence d’Imre encore plus difficile. Il avait toujours l’impression de buter sur un membre de sa famille quoi qu’il fasse. Il avait des lubies de réorganisation, espérant établir des barrages entre son espace personnel et le reste du monde.

 

Justement récompensé par le Prix de la Closerie des Lilas (Arkult avait assisté à cette belle consécration) puis par le Prix du Livre Inter en 2013, « Sombre Dimanche » est une plongée dans la complexité et l’insignifiance de la vie humaine. La mort rôde, sournoise et prévisible, au détour des chapitres, et avec elle les douloureux secrets de famille, les déceptions amoureuses, les désillusions amicales. Dans un cadre propice à l’espoir de renouveau qu’est celui du Budapest libéré et qui cherche à se réinventer, Alice Zeniter nous rappelle à la triste amertume de la réalité. Avec son écriture directe, efficace, elle ne laisse pour ses personnages, aucune place à l’hésitation, ni pour son lecteur à l’ennui.

Pratique :
Sombre Dimanche, d’Alice Zeniter
Ed. Albin Michel
Format : 205 mm x 140 mm
288 pages
EAN13 : 9782226245175
Prix : 19.00 €

Vous pourrez bien sur vous procurer ce livre dans une de nos librairies coups de coeur, l’Ouvre Boîte.

 

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